CUEILLETTE DE PLANTES ET DE MOTS
LE LONG D’UNE SORGUE PROVENÇALE
Textes écrits le 24 Septembre à Althen des paluds par 12 personnes.
1-Michelle et 2-Michel Bernard, 3-Corinne Cournand, 4- Mireille Enguent,
5-Elizabeth Favreau, 6-Danielle Masson, 7-Marie Paule et 8-Joseph Micol, 9-Catherine Nedelec, et ceux qui ensemble ont conçu et mis en place la proposition globale : 10-Anne Marie Rovai, détermination des plantes, 11-Roselyne Sibille, écrivain, 12-Yvon Javel, "accueillant", dont le texte essaie de témoigner de la trace que lui a inspiré la ballade.
A partir de la proposition d’observation et de reconnaissance de plantes de bord de sorgue d’Anne Marie Rovai, et suivant la proposition d’écriture de Roselyne Sibille :
CHAQUE JOUR EST UN PRESENT
« Le véritable poète est celui qui découvre et révèle, où qu’il se trouve, la merveille. »
p.108
« La poésie me semble là pour faire voir au regard usé, désabusé, que le monde n’a jamais cessé d’être étrange, lointain, désirable... »
p.129
« Quelques paroles fraîches en état de désir, rien que pour avoir redécouvert confusément ce don léger du jour. »
p.130
Philippe Jaccottet
Observations et autres notes anciennes
1947-1962
Gallimard
Nous allons marcher à la rencontre des plantes, et écouter Anne-Marie nous les présenter. Ne vous pressez pas. Installez-vous dans votre curiosité admirative. Vous écouterez, regarderez et rapporterez sur le papier ce que vous aurez vu et entendu tout simplement. Vous poserez vos observations sous la forme que je vais vous proposer. Soyez très attentifs et précis. C'est la multiplicité de nos observations, et la finesse de notre regard qui donnera la qualité de nos textes.
Vous allez écrire un poème fait d'un ensemble de cinq vers groupés qui commenceront par : « Entre l’été et l'automne » et finiront par « comme un don léger du jour ». Essayez de rendre toutes les nuances les plus fines, des « fragments de presque éternité murmurante » comme dit Philippe JACCOTTET.
Nous allons écrire ce que nous voyons, ce que nous avons vu. Et vous commencerez chaque nouvelle phrase par il y a. A l’école, les instituteurs pourchassent les « Il y a » comme des banalités. Or c’est une expression fort précieuse, qui amène à une certaine objectivité et nous allons l'utiliser exprès comme un leitmotiv pour scander notre texte.
Camille Laurens dans son livre qui s’intitule Quelques-uns fait un chapitre sur l’expression Il y a.
Elle écrit : « Il y a nous est fort utile. Ne nous rend-il pas le plus grand des services que peut rendre une langue : permettre l’accès à la réalité du monde sans passer par le filtre de la subjectivité ? Il y a place le réel devant l’objectif et nous en restitue les multiples aspects comme autant de clichés, sans flou, sans effets, juste cadrés ; professionnel sachant rester neutre, il ne tombe jamais dans la psychologie ou dans l’esthétisme : comme voici, il nous propose de voir ici ce qui est.
Il y a fait le petit bruit du déclencheur photographique – déclic de l’automatique, il n’attend pas que la réalité se compose un visage. Photomaton de la littérature.
Les maîtres ont bien tort de blâmer il y a dans les copies de leurs élèves ; répéter il y a, c’est témoigner au contraire de grandes dispositions à l’écriture, du désir de donner vite, vite, une image des choses avant qu’elles ne s’enfuient et le flot de cette locution si banale tente simplement d’accompagner le cours du monde. Il y a est le polaroïd de l’écrivain. »
1- Michèle Bernard :
Entre l’été et l’automne
Il y a le grili-grili de l’eau qui coule, clapotis joyeux et sensuel.
Il y a une grenouille dorée attentive et captive de nos yeux étonnés.
Il y a la saveur âcre et persistante du raisin, petites billes bleues accrochées à la vigne.
Il y a ce caillou léché par le courant qui prend des allures de jade plongé dans les algues
Il y a l’arbre mort qui n’en finit pas de se pencher vers cette eau, dernier refuge, vers une autre destinée
Comme un don léger du jour
2- Michel Bernard :
Entre l’été et l’automne
Il y a au bout d’une allée fauchée fraîchement l’enchevêtrement hostile de jeunes pousses de peupliers pubescents
Il y a les hampes festonnées de l’achillée millefeuille
Il ya son goût de fenouil, prolongé d’une amertume rédhibitoire.
Il y a le fuseau opalescent d’une cascade
Il y a Yvon, écalant les noix sauvages, nous faisant goûter l’âcreté rustique de ces drupes automnales
Comme un don léger du jour
Entre l’été et l’automne
Il y a le mélange étrange des odeurs de l’humus et de la fange.
Il y a une feuille malmenée par les eaux glauques d’une Sorgue oubliée.
Il y a le cri agaçant d’une pie troublée par le plongeon précipité d’une grenouille apeurée
Il y a le feu d’artifice garance d’une fleur d’épilobe qui s’élance
Il y a les flèches empanachées de graines des chénopodes par centaine
Il y a les fleurs improbables de la clématite comme autant de soleils éclatés et insolites
Comme un don léger du jour
3- Corinne Cournand :
Entre l’été et l’automne
Il y a les potentilles fleurissant les déserts
jouant de l’insipide
sous le regard rugueux
des calaments aigris
Il y a un silence de terre
à l’abri des noyers
Les clématites jouent à déchirer les lunes
Là il y a les ondes
Il y a au fond de l’eau
où s’enlisent les vagues
qui s’enroulent aux galets
et glissent au presque rien
un ciel qui s’ennuage
à l’ombre des bouleaux
Il y a des racines et des frênes
accrochés à la sorgue
figés dans l’infini
Comme un don léger du jour
4- Mireille Enguent :
Entre l’été et l’automne,
Il y a un samedi après midi clément pour une promenade en bord de sorgue,
Il y a l’accueil d’Yvon, l’enthousiasme de Danielle, la rencontre avec Catherine, jour
Entre l’été et l’automne,
Il y a le murmure de l’eau et mon envie de marcher dans le lit de la rivière,
Il y a les propos d’Anne marie Rovai, la mélodie de sa voix et son penchant pour la roquette,
Il y a la potentille, bien brave et bien gentille
Il y a le laiteron qui fréquente l’achillée et la consoude dans les mêmes pénates,
Il y a encore des noix mais toujours pas de libellule, comme un don léger du jour.…
Il y a la plante à l’odeur de goudron dont j’ai oublié le nom,
Il y a le pont rouillé qui enjambe la rivière,
Il y a l’absence de libellule et la présence de noyers,
comme un don léger du jour
5- Elizabeth Favreau :
Entre l'été et l'automne, entre deux ruisseaux, entre ciel et terre,
Il y a des arbres, des arbustes et des plantes, décryptés dans leurs noms et leurs usages.
Il y a des herbes; nommées, décrites, rattachées au repas partagé, qui relient les êtres et se transmettent jusque dans l'inconnu.
Il y a des fruits, raisins et noix, accrochés à leurs souches ou échoués sur le sol, qui nous invitent à goûter leur verdeur âcre.
Il y a des animaux qui se révèlent à nos yeux et nos oreilles; pies, pigeons, martin-pêcheur, insectes bourdonnants ou encore une minuscule grenouille invitant à l'effort pour l'apercevoir.
Il y a un air frais et chargé d'humidité qui lèche la peau, une odeur de terre humectée, des feuilles emportées par une eau bavarde.
Comme un don léger du jour.
6- Danielle Masson :
Entre l’été et l’automne,
Une sorgue qui va se jeter dans une rivière qui va se jeter dans une autre rivière qui va se jeter dans la mer.
À moi l’aventure ! dira la sorgue
Une cascade où les elfes des alentours, avant le lever du jour, tiennent conciliabule à voix basse.
Blablabla ! dira l’elfe
des jambes d’humain, des pattes de fourmi, des ailes de papillon. Tous troublent le silence de l’eau qui coule.
Aïe ! dit la fourni à la jambe de l’homme
Des brindilles, des bouts de bois, des branches, mille branches, des troncs, des arbres que le vent caresse.
Hou, hou ! chantent les vents de Provence
Sur un tas de branches, deux semelles de chaussure attendant leur propriétaire.
Un ! deux ! garde à vous !
Comme un don léger du jour.
Entre l’été et l’automne,
Une plaque de polystyrène
Des bouteilles en plastique sans bouchon, avec bouchon bleu, avec bouchon rouge
Un couvercle de poubelle
Le tout abandonné au fond d’un bras de la Sorgue.
Deux morceaux de rail abandonné et rouillés alors qu'ils rêvaient du Far West,
Un grillage rouillé supportant le poids des hommes,
Une vis sans fin
La passerelle d’un monde à l’autre
La porte d’entrée dans le monde des plantes comestibles
Comme un don léger du jour.
Entre l’été et l’automne,
Le chemin tracé par la faucheuse de l’homme
et non la faucheuse d’homme
Devenue sauvage la vigne aux grains de sang que le pape a planté en déposant sa monnaie
Le noyer dont le pape a gaulé les drupes pendant que son âne s’abreuvait, les sabots dans la Sorgue
Des baies rouges que le pape a semées pour m’ouvrir la voie
Les plumes blanches arrachées à la Liberté. Le pape les a cachées sous le tapis de violettes
Comme un don léger du jour.
Entre l’été et l’automne,
Un épilobe
Deux armoises
Trois petites étoiles rouges abandonnées au sol
Quatre et plus pissenlits
Cinq pieds de consoudes aux feuilles pour beignet
La promenade est finie.
Comme un don léger du jour.
Entre l’été et l’automne,
Un tronc d’arbre couché
Au garde-à-vous derrière lui quatorze chevaliers au bouclier de lierre
Veillant sur lui, des peupliers géants aux branches enlacées
Aussi… je ne sais plus…
Encore et encore…
Comme un don léger du jour.
7- Marie Paule Micol :
Entre l’été et l’automne,
Il y a des prairies normandes vertes et grasses, peuplées de plantes comestibles inconnues,
Il y a le pépiement lointain des oiseaux et le bourdon des insectes,
Il y a le silence apaisé de la rentrée des classes,
Comme un don léger du jour.
Entre l’été et l’automne,
Il y a la rivière qui chuchote et clapote, glauque de la dernière pluie,
Immobile et paisible au loin,
Plus pressée sur les cailloux,
Miroitante sous les taches claires du soleil,
Il y a les tiges plongeantes des frênes et des saules caressées par l’eau,
Les branches mortes, grises et minérales, qui structurent le paysage,
Les feuilles rouillées des platanes qui luisent, mouillées, au bord.
Il y a les lances dorées des noyers et le sang des cornouillers,
Les bonnets rouges des fusains et la pourpre des épilobes,
Comme un don léger du jour.
8- Joseph Micol :
Entre l’été et l’automne
Entre l’été et l’automne,
Il y a, comme un don léger du jour,
Cet esprit apaisé qui s’ouvre au paysage.
Il y a, sur ce bord de rivière,
Le lent balancement d’une hampe fanée qui s’obstine.
Il y a, sous un ciel laiteux,
La tête déchue d’un pilier de pierre, gisant sans ombre sur la digue.
Il y a dans l’air, légères et brèves,
Ces deux notes inquiètes du passereau qui fuit.
Il y a ce calme qui s’enroule,
Du miroir irisé des camaïeux d’automne.
Entre l’été et l’automne,
Il y a, sur ces galets ordonnés par le temps,
Le murmure mouvant d’une tranquillité horizontale.
Il y a cette caresse mouillée sur les racines d’un frêne,
Pattes démesurées d’un improbable oiseau.
Il y a ce bruissement ridé de l’eau qui passe,
Qui module un sourd continuo dérivant de l’amont.
Il y a sur la rive, constellations pelucheuses,
Un ciel de clématites fanées échoué sur l’aubépine.
Entre les arbres, comme un don léger du jour,
Il y a la montagne bleue diluant son sommet, là-bas, dans une cascade d’écume…
9-Catherine Nedelec :
LA DERNIERE DANSE DU PAPILLON
Entre l’été et l’automne…
Il y a une belle inconnue parme, gracieuse et discrète, juste pour les yeux
Il y a les épées acérées de l’acacia qui voisinent avec les clématites poilues
Il y a les mûres calcinées, desséchées qui s’effacent devant les aubépines rouges de victoire
Il y a l’armoise odorante qui s’écrase entre les doigts puis le calament nepeta qui invite au voyage mentholé
Il y a le dernier papillon blanc esseulé qui danse encore en souvenir de l’été
Comme un don léger du jour…
Entre l’été et l’automne…
Il y a sur le tronc blanc des bouleaux des blessures grises crevassées, esthétique primée de dame nature
Il y a l’araignée caméléon, couleur d’herbe sèche, avançant de patte en brin, équilibriste de microcosme
Il y a un homme parti sans son socle, il a déchaussé, il est à nu
Il y a la symphonie argentée des saules, bouleaux, peupliers et vaguelettes du courant triomphant
Il y a le charme qui tend son bras gracieux vers l’eau qui court, dégringole, sculpte la rondeur des galets
Comme un don léger du jour…
Entre l’été et l’automne…
Il y a l’arbre mort qui abandonne la course, garé contre le talus
Il y a un criquet fatigué, c’est la fin de l’été, qui voyage sur mon panier
Il y a l’herbe ployée sous nos séants qui peine à se redresser
Il y a les lanternes japonaises, rouges de timidité, qui cherchent à embrasser les potentilles
Il y a la libellule dorée, dans une danse de Saint-Guy silencieuse, qui se mire dans son reflet
Comme un don léger du jour…
10- Anne Marie Rovai
Entre l'été et l'automne, il y a :
La modeste violette qui nous offre ses feuilles sans ses fleurs que nous avons cueillies au printemps,
Le picris à l'aspect rébarbatif , il ne faudra pas s'y fier, il est très bon cuisiné,
Le panais dont la racine nous a bien gâtée,
Le pissenlit toujours présent pour nous purifier,
L’amarante dont l'hampe de graines me fait penser au pompon des manèges, que dans mon enfance, je voulais toujours attraper, comme un don léger du jour.
11- Roselyne Sibille (écrit préalablement à la sortie, dans un autre lieu) :
Entre l'été et l'automne,
il y a une colline bleue qui s’allonge dans les feuillages
Il y a toute l’hésitation entre l’or et le vert
Il y a les roseaux, leurs toupets blonds comme une plaine de moisson
Il y a une zone de sol roux mêlé d’eau, couvrant l’eau, gagnant l’eau
comme un don léger du jour
Entre l'été et l'automne,
il y a le miroir infidèle, brouillé, qui aquarelle les reflets
Il y a un saut vigoureux de carpe, une impulsion, un dos brillant et les cercles d’eau qui s’éloignent
Il y a les cols verts qui effondrent leur vol dans la surface douce et docile de l’eau
Il y a là tout près, des bruissements dans le sec des feuilles, des frottements, des sursauts, des agitations invisibles
Entre l'été et l'automne,
il y a des chardons-sentinelles dans leur austérité brun-gris
Il y a la bécassine des marais –oh ma pauvre, quel drôle de nom !- qui plante son bec dans la vase
Il y a tous les cormorans qui découpent le ciel de croix noires en pochoirs
Il y a une odeur de vase presque sucrée qui passe en nappes dans les voiles du vent
comme un don léger du jour
Entre l'été et l'automne,
il y a un ruisseau fin qui chante près d’un râle d’eau besogneux au long bec rouge, bec qui fouit et tire je-ne-vois-quoi entre les tiges
Il y a un V en vol qui se forme et déforme
Il y a côte à côte deux longs hérons cendrés qui guettent
Il y a tout un monde de clairs et flous, d’ombres et de risées
comme un don léger du jour
12- Yvon Javel :
Parcours de sorgue à l’intérieur de nous même, comme un don léger du jour.
Une sensation de cheminement en profondeur a pour moi dominé cette après-midi où le groupe a comme adopté le comportement grégaire d’une tribu de la préhistoire dans son avancée incertaine de nomades cueilleurs.
Faut-il retrouver en nous nos sensations archaïques pour nous soigner des blessures d’un parcours de vie, parfois chaotique ?
Faut-il apprendre à se préserver au sein d’une civilisation qui nous éloigne de plus en plus rapidement de nos essentiels profonds, de notre capacité à nous sentir vivre, cadeau de tous les instants ?
Oui ! Alors assurément, il faut mettre en jeu tous nos capteurs primitifs capables de nous permettre de trouver notre chemin avec tous nos sens mobilisés.
Imaginons un temps que nous avons été déposés quelque part sur une portion de cette terre, sans aucun recours à notre technologie habituelle. Se nourrir devient la première nécessité et nous voulons désespérément nous accrocher à la vie.
Tous, inconsciemment, nous recherchons des analogies avec des végétaux déjà connus et appréciés.
Alors, peut-être dans ce miracle d’être bien là, vivants, nous nous appuyons sur le sol de toute notre hauteur, pour utiliser ce contact tactile à la terre, écouter nos pieds qui nous disent la nature du sol, son humidité, sa texture particulière…
Nous mettons ces informations et tous nos sens au service de notre quête continue de végétaux nourriciers, comme un don léger du jour.
Nous avons adopté le pas du cueilleur. Attentifs à tout ce qui répond au besoin vital de nous nourrir chaque jour en continu, nous prélevons ici et là la production de dame nature.
Est-ce bon ou pas pour se nourrir ?
Cette frêle tige feuillue terminée par une fleur délicate, va-t-elle aussi pouvoir répondre à certains de nos besoins essentiels ?
Allons- nous la manger crue, comme un don léger du jour?
Nos sens habituels suffisent-t-ils à prendre le relais de cette première observation, à questionner notre instinct originel dans ce qu’il éprouve d’intime et d’immédiat ?
C’est là que notre approche peut différer :
- Quand certains se baissent pour observer de plus près la belle inconnue,
d’autres commencent à la toucher du bout des doigts pour éprouver la texture plus ou moins prometteuse à leur palais, comme un don léger du jour.
D’autres encore, en saisissent un fragment qu’ils froissent et portent à leur nez, sollicitant des milliers de neurones nous reliant à des temps de plus en plus lointains…
Que nous reste-t-il d’une éventuelle transmission de nos ancêtres lointains ?
Comment se comportaient-ils devant des plantes inconnues, au fil de leur nomadisme vital ?
Il y a cette plante reconnue, qui nous laisse encore quelques légères hésitations dues peut être au changement de saison ou à ce milieu de vie différent qui a un peu modifié son aspect.
Nous cherchons maintenant à apprécier ses qualités gustatives dans une étape ultime de vérification.
La plante, suivant son état de maturité, exprime plus ou moins ses particularités ; l’astringence, l’amertume, la douceur… le velouté.
Ces sensations sont en correspondance ou pas avec nos attentes, différentes suivant les moments et les jours, pour nous procurer ce plaisir rare d’une cueillette toute fraîche, dans l’humeur du moment, comme un don léger du jour.
Oui, bien sûr, la cueillette des champignons, nous invite à avoir la même prudence, mais, la période de ramassage est beaucoup plus limitée dans le temps. Pourtant, pour répondre à nos attentes, nous devons redécouvrir quelques-unes de ces lois mystérieuses qui nous conduisent aux lieux où ces végétaux recherchés se construisent en harmonie avec leur milieu.
Eux aussi doivent trouver une réponse à leurs besoins particuliers, leur aspect en témoigne.
Nos yeux, après avoir balayé l'espace devant nous, se posent sur les belles inconnues pour nous permettre d’apprécier leur développement, taille, forme, couleur, état d’avancement, importance de la colonie…
Nous évaluons la cueillette, pour ne pas risquer d’interrompre le cycle fragile. Notre avenir est peut être ainsi partiellement assuré. Notre crainte de revenir ‘’bredouille’’ s’est alors atténuée avec la découverte de cette nouvelle source végétale, comme un don léger du jour.
Il y a ce plaisir qui nait des réponses à ces différentes étapes de recherche et qui n’est pas une sensation mineure.
Il calme en nous notre sentiment instable d’appartenance à ce monde qui nous entoure, en nous reconnectant à l’homme de la préhistoire qui pourrait n’être jamais très éloigné de nous. Peut être nous protège-t-il à notre insu de la perte des sens qui nous ont structuré depuis notre plus tendre enfance ?